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Métavers : le grand frisson 3D inexistant et pourtant déjà partout

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Le métavers est un lieu où les frontières entre l’écran et la peau se brouillent, où votre avatar peut porter une veste numérique achetée dans un jeu, la revendre sur un marché décentralisé, puis l’afficher dans une réunion holographique. Ce lieu n’est pas un lieu ; c’est une idée flottante, un miroir sans tain que chacun retourne à sa sauce. Les uns y voient le successeur de l’internet, les autres un salon de ventes luxueux en 3D, et les autres un mot-valise qui masque des avancées plus modestes mais bien réelles.

Le mot lui-même surgit en 1992 dans les pages du roman Snow Crash (Le Samouraï virtuel en version française). Neal Stephenson y décrit « la Rue », un boulevard numérique bordé de clubs et de néons, où l’on circule en avatar et où le code est loi. Trente ans plus tard, Mark Zuckerberg lève le même drapeau en le rebaptisant « métavers » et en promettant une économie de cinq mille milliards de dollars. Entre les deux, Second Life a lancé le premier débat sur la propriété virtuelle, Fortnite a transformé un jeu de fusillade en scène de concerts, et des millions de joueurs ont découvert que payer pour une peau de dragon valait parfois plus que payer pour un vrai manteau.

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La pile technique

Techniquement, le métavers se dessine comme une série de couches géologiques superposées. Au fond, des puces graphiques crachent des millions de polygones pour que la lumière d’un coucher de soleil virtuel vous chatouille la rétine. Au-dessus, des protocoles de synchro tentent de maintenir le même monde pour 200 000 utilisateurs sans que la connexion ne s’effondre. Dessus encore, des blockchains enregistrent la trace indélébile d’une veste numérique, pendant qu’un dispositif haptique (qui permet de manipuler des objets dans un environnement virtuel avec un certain ressenti tactile) vous fait sentir le tissu de cette veste par des micro-vibrations dans vos gants. Chaque couche est une promesse, chaque couche est un gouffre technologique.

Les plateformes actuelles ressemblent à des archipels qui parleraient des langues voisines mais jamais la même. Roblox propose des expériences de conduite de kart, puis une soirée Gucci dans la même session. Fortnite transforme son île en cinéma géant où l’on peut applaudir Ariana Grande ou contempler une exposition Martin Luther King. VRChat, lui, préfère les salles obscures où des corps complets en full-body tracking dansent jusqu’à l’aube. Chacun est un micro-univers, une bulle de code qui se suffit à elle-même.

Dans ce patchwork, les monnaies circulent comme des échos. Le Robux de Roblox, le V-Buck de Fortnite, le MANA de Decentraland, l’ETH d’OpenSea : autant de billets de train pour des destinations qui ne communiquent pas. L’inter-opérabilité reste un mot magique, mais le chemin est semé de brevets, de formats incompatibles et d’ego de plateformes. Un t-shirt acheté dans Fortnite ne rentrera pas dans Minecraft, pas parce que c’est techniquement impossible, mais parce que les licences ne se parlent pas.

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El Dorado de la décennie

Pourtant, l’attrait est réel. Les marques y voient un nouvel écrin où l’on peut toucher, retourner, essayer avant d’acheter, sans stock ni emballage. Les écoles imaginent des amphithéâtres sans murs où des étudiants de Lagos, de Lyon et de Lima partagent un laboratoire chimique virtuel. Les médecins y projettent des opérations répétées sur des doubles numériques jusqu’à la perfection. Et les artistes y inventent des sculptures qui ne craignent ni la gravité ni le temps.

Mais chaque promesse porte son ombre. Le tracking oculaire peut deviner votre orientation politique avant même que vous ne parliez. Les données biométriques captent vos micro-émotions, vos micro-frustrations, vos micro-désirs. Un regard trop long sur une paire de chaussures virtuelles et l’algorithme sait que vous hésitez à craquer. Le métavers deviendrait alors un grand panneau publicitaire adaptatif, une vitrine qui se reforme à votre image à chaque clignement.

Le métavers est déjà mort ; vive le métavers

Les investisseurs, eux, ont déjà goûté à l’amertume. Les ventes de casques VR stagnent, Meta a perdu 30 milliards en deux ans, et les « terres numériques » achetées au prix de véritables appartements valent aujourd’hui moins que le café pris pour signer l’acte. Le mot métavers lui-même s’est délavé, remplacé par des euphémismes plus sobres : « spatial computing », « web immersif », « réalité augmentée élargie ».

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Alors, où va-t-on ? Peut-être vers une myriade de mondes spécialisés, chacun excellent dans sa niche, reliés par des passerelles fragiles. Peut-être vers un écosystème ouvert où un avatar unique portera vos trophées, vos diplômes, vos amis, vos souvenirs. Peut-être aussi vers un retour discret à l’écran plat, plus sobre, plus léger, mais enrichi d’une troisième dimension qui surgit quand on en a besoin.

Ce qui est certain, c’est que le métavers n’est pas un lieu qu’on attend ; c’est une direction qu’on trace. Chaque expérience 3D, chaque NFT, chaque visioconférence en réalité mixte en est un fragment. La question n’est plus « quand arriverons-nous ? » mais « que choisissons-nous d’emporter avec nous ? ».